lundi 29 avril 2019

Le Prince de la brume - Carlos Ruiz Zafón

Roman jeunesse ? Oui, mais pas uniquement

Le Prince de la Brume par [ZAFÓN, Carlos Ruiz]


Le résumé :

Max Carver, ses deux sœurs, Alicia et Irina, et leurs parents déménagent et vont s'installer dans "la maison de la plage", une demeure située dans un petit village espagnol. La guerre qui vient frapper aux portes de l'Europe n'est sans doute pas étrangère à cette brusque décision.
La maison de la plage a appartenu à une famille richissime qui a connu bien des malheurs : le couple qui l'avait fait construire a perdu son unique enfant dans des circonstances dramatiques.
Est-ce pour cette raison que la maison de la plage génère autant de réticences chez les enfants Carver? Il y a d'abord Max qui remarque des détails assez étranges comme une horloge dont les aiguilles tournent à l'envers, un jardin peuplé de statues qui se meuvent imperceptiblement; il y a Alicia qui a fait un rêve étrange dont elle ne parle pas; il y a enfin la benjamine qui a adopté ou a été adoptée par un chat diabolique qui espionne la famille de ses yeux jaunes qui semblent en savoir plus long que tout le monde. Il y a des bruits, des armoires hantées, à moins que ce ne soit la maison et même la région qui soient hantées.
Et puis, il y a le gardien du phare et son petit fils adoptif, Roland, qui ont, semble-t-il, un passé bien mystérieux.
Et si on parlait du Prince de la brume qui rôde, influence les hommes, inquiète, attend son heure, complote dans l'ombre ? Le Prince de la brume et sa clique maléfique....

Mon opinion :

J'ai d'abord lu L'ombre du vent, le Jeu de l'ange.... Marina, romans que j'ai beaucoup aimés, donc je me devais de lire Le Prince de la brume et les deux autres romans qui le suivent.
Cette trilogie est classée dans la littérature jeunesse, mais n'a rien à envier à ses grands frères dont l'écriture est peut-être plus ciselée, le fantastique plus sombre. 
Ceci dit Le Prince de la brume, premier roman de l'auteur est passionnant et prometteur car le personnage du méchant a une aura délicieusement maléfique, une présence indéniable et obsédante, un peu comme le clown de Ça de Stephen King auquel il m'a beaucoup fait penser par certains côtés. 
D'autre part le trio d'adolescents que l'on accompagne dans leurs tragiques aventures, n'est pas mièvre ni caricatural comme c'est souvent le cas en littérature jeunesse. On s'attache à eux et j'imagine fort bien que l'on puisse se sentir concerné par leur vie, leurs préoccupations. Ils sont très vivants. 
Enfin le roman ne s'essouffle jamais et les péripéties s'enchainent assez vite, nous tenant en haleine jusqu'au dénouement. Et ce dénouement, s'il ne nous étonne pas vraiment car on avait un peu deviné ce qu'il allait advenir de nos héros, remplit bien sa fonction et clôt admirablement ce roman agréable dont je conseille la lecture.

Je vais maintenant me plonger dans Le Palais de minuit



jeudi 25 avril 2019

Abracadabra - Maurice Sachs

Un conte de fées, vraiment?



Le résumé:

Daniel, un jeune oisif richissime et très gâté par la vie car il est jeune et très beau, orphelin puisque ses parents ont été tués dans un accident d'avion, non sans lui avoir laissé leur immense fortune, s'ennuie. Tout l'indiffère et rien ne l'amuse. Il mène une insipide vie de dandy trop riche qui n'a d'autre but dans la vie que de tenter de s'amuser, but qu'il ne parvient même pas à atteindre.
Jugez de sa demi-surprise quand il est un jour réveillé par un petit homme qui fait irruption de manière magique dans sa chambre.

— Par la quenouille de mon aïeule, je vous salue, monsieur !
Daniel souleva, tout doucement, les paupières, ne vit rien et se rencogna dans son fauteuil, en grognant.
— Par la quenouille de mon aïeule, je vous salue ! s’écria une voix étrange.
Cette fois, Daniel s’agita comme un dormeur qui a le cauchemar et porta ses mains à ses oreilles.
— Par la quenouille…
Daniel sursauta et ouvrit les yeux.
— Ah çà, fit-il.
— Je vous salue, monsieur, dit fort courtoisement un petit homme aussi bizarre que jamais ne se vit un petit homme.

Il n'y a pas grand-chose qui intéresse Daniel, mais cet inconnu qui est nain et fée à la fois, qui a beaucoup d'aplomb et qui semble décidé à bousculer la vie du jeune dandy, va réussir à percer sa carapace d’indifférence et Daniel va accepter la compagnie de cette étrange créature. 

— Je m’appelle Grain-de-Sel et par la quenouille de mon aïeule, je veux être changé en souris blanche si Grain-de-Sel n’est pas mon nom.
En fait, Grain de sel a un projet assez généreux.

— Comme il m’a semblé que vous vous ennuyiez, et que j’ai la vanité de croire que je sais distraire ceux qui s’ennuient, je suis venu me présenter. Si cela vous tente, nous nous verrons ; si je vous importune, je m’en vais. Rassurez-vous donc ; je ne viens pas vous gêner. Je viens m’amuser à vous distraire.
Et Daniel, sans le savoir, va s'embarquer dans une étrange aventure qui va changer son destin.


Mon opinion :

Tout d'abord, je ne connaissais Maurice Sachs que de nom et je n'avais lu aucun de ses romans.
C'est ainsi que j'ai écouté une émission de France Culture qui m'a fait découvrir un romancier assez sulfureux et pas vraiment recommandable. Jugez un peu:

https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/maurice-sachs-1906-1945-la-mauvaise-reputation

J'ai coutume d'accorder assez peu d'importance à la biographie des artistes, écrivains, poètes ou autres cigales et c'est heureux car Maurice Sachs, s'il faut reconnaître qu'il a séduit et trompé grand nombre de gens en son temps - et des gens très connus comme Cocteau, Gide et bien d'autres - n'est pas du tout un modèle de vertu. Mais peu importe puisque c'est son roman qui m'intéresse. 
Et j'ai vraiment apprécié cet étrange roman.
Le titre "Abracadabra" m'a tout d'abord décidée à le lire. J'ai gardé mon âme d'enfant et j'adore les récits merveilleux. Et l'on n'est pas déçu puisque l'histoire démarre sur les chapeaux de roue avec l'apparition du minuscule Grain de sel. 
Il faut dire que Grain de sel est un personnage attachant. Homme-fée aux desseins hasardeux, peut-être faussement généreux, Grain de sel bondit de page en page,  enchante nos sens, se métamorphose, étourdit son monde, bavarde sans répit et nous fait pénétrer dans un univers magique à la fois très proche du nôtre et hors de portée, malheureusement.
On adore Grain de sel, très vite.
Daniel, par contre, est agaçant. Égoïste, désabusé, trop riche, indifférent à l'univers magique de Grain de sel, on a très vite envie de le détester. Puis, il lui arrive quelques malheurs et il change, un peu. 
On va finir par le tolérer.
L'intrigue est assez déconcertante si l'on s'en tient uniquement au conte de fée, d'autant que le dénouement n'est pas satisfaisant et échappe au traditionnel "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants."
Mais ce roman n'est pas un conte de fées....et derrière le personnage de Daniel, apparaît très vite la sulfureuse personnalité de l'auteur. De même, reconsidérons un peu l'amitié exceptionnelle qui va unir Grain de sel à Daniel à la lumière de la biographie de Maurice Sachs....Alors, on se dit que ce roman nécessite peut-être une deuxième lecture plus profonde, plus réfléchie et qu'il a quelque chose à nous murmurer à l'oreille. 

Finalement, ce roman est inclassable. On l'aime ou on le considère comme une calembredaine écrite par un esprit brouillon.
Moi, je l'ai aimé. Vraiment. 

dimanche 21 avril 2019

Élévation - Stephen KIng

Petit roman du King


Le résumé :


Scott Carey, cinquantenaire bien portant, vit à Castle Rock. Il est bien intégré dans cette petite ville typique des USA, divorcé, sans enfant, occupé par son métier de concepteur de sites Web, mais il a un secret qu'il ne confiera qu'à un vieil ami, le docteur Bob Ellis, médecin à la retraite. Son secret ? Il perd du poids à une vitesse assez régulière et ce, tous les jours. Le rêve pour quelqu'un qui pèse quand même plus de 110 kg comme lui ? Oui, peut-être, mais le processus est assez étrange car s'il perd des kilos, son apparence physique reste la même, celle d'un homme assez rondouillard, et les objets qu'il prend dans les mains perdent leur poids sans rien ajouter au sien.
Comment son problème va-t-il évoluer ? Que se passera-t-il quand il sera à zéro kg?



Mon opinion :

J'ai déjà dit que j'étais une inconditionnelle de Stephen King, même si depuis ses récentes publications, je suis plus réticente à lire ses histoires. La raison ? Je ne retrouve plus l'auteur de Shining, Ça, Simetierre, Désolation, Bazaar et autres romans de sa pleine maturité. Alors bien sûr, un auteur doit évoluer, il en faut pour tous les goûts, blablabla..., mais quand on est l'un des maîtres incontestés du fantastique, voire de l'horreur, on doit bien s'attendre à perdre une partie de son lectorat si on se met à virer sa cuti et à donner dans le mysticisme ou dans la fable bondieusante, non ?
Vous allez dire que je suis dure avec le Maître, mais jugez un peu :
Tout d'abord le livre qui coûte quand même 6,90 euros ne comporte pas plus que 160 pages. Or, ce qui fait notre délectation quand on a entre les mains un roman du King, c'est qu'il est gros ! C'est qu'il nous promet des heures de plaisir et d'aventures terrifiques. Ce n'est pas le cas avec Élévation qui se dévore en deux heures maximum.
Ensuite, là où j'ai vraiment été déçue c'est que l'auteur a quand même pioché dans deux de ses romans de jeunesse : 
Sac d'os qui mettait en scène un héros de 110 kg qui, pour avoir accidentellement mécontenté un vieux chef gitan un peu sorcier, est victime d'une malédiction qui le fait maigrir à vue d’œil. Ça vous rappelle quelque chose? 110 kg, la cure d'amaigrissement ? Eh oui, le même thème que dans Élévation. Quant à l'autre roman qui a permis au Maître de recycler une idée, c'est Marche ou crève avec cette longue course qui entraîne les concurrents à se surpasser et le héros à essayer de gagner. Là encore, on retrouve cette même idée, un peu plus discrète mais présente dans Élévation
Autre grief : le fantastique. Je veux bien qu'un homme qui maigrit sans raison, sans être souffrant, sans perdre son apparence soit une chose assez extraordinaire, mais de là à y voir une péripétie fantastique à la hauteur de Shining ou de Bazaar...Non ! D'autant que le dénouement....Je n'en dis pas plus mais je serais curieuse de savoir ce que vous en avez pensé.
J'ai le sentiment que le King a révisé sa manière d'écrire, fait abstraction du fantastique noir qui caractérisait ses romans. C'est son droit. Mais c'est aussi mon droit de dire que je ne retrouve plus l'enchanteur de mon adolescence et que je ne désire plus le suivre dans sa mutation un peu lénifiante.