samedi 15 septembre 2018

Gwendy et la boîte à boutons - Stephen King et Richard Chizmar

Une "grande" nouvelle ou un petit roman


Le résumé :

Gwendy, que sa mère voulait appeler Wendy et son père Gwendoline, ou l'inverse, est une très jeune ado de douze ans un peu ronde et qui souffre d'être tournée en ridicule par quelques garçons de son école. Courageuse, elle prend son destin en main et se met à faire du sport : courir, grimper à toute vitesse l'escalier qui conduit aux marches des suicidés sont sa méthode pour perdre du poids. Méthode efficace. C'est ainsi qu'elle fait un jour la connaissance de Monsieur Farris, un homme mystérieux, coiffé d'un chapeau noir, et qui semble tout savoir d'elle. Il lui confie une boîte ornée de différents boutons de toutes les couleurs. Cette boîte mystérieuse lui délivre, quand elle le souhaite, de petits chocolats en forme d'animaux qui lui permettent de gérer son appétit et des pièces d'agent pur qui ont une grande valeur. Deux autres boutons, un rouge et un noir ont aussi des fonctions plus obscures que Gwendy est chargée de découvrir; quant aux autres boutons multicolores, ils sont censés représenter chacun un continent. Et Monsieur Farris, après lui avoir confié cet encombrant présent, disparaît.
Comment Gwendy va-t-elle utiliser ce cadeau magique? C'est ce que Stephen King et Richard Chizmar se proposent de nous faire découvrir. 


Mon opinion :

J'ai été pendant toute mon adolescence une inconditionnelle de Stephen King. Je ne peux pas dire que c'est lui qui m'a donné le goût du fantastique car cette addiction m'a été inoculée par des auteurs comme Lovecraft, Jean Ray, Thomas Owen, Henry James, Jacques Cazotte etc. pour n'en citer que quelques uns. Il n'en demeure pas moins que Stephen King occupe une place particulière dans mes lectures. 
Mais je crois que je vais lui être infidèle et renoncer à le lire.
Cette longue nouvelle ou plutôt ce petit roman m'a vraiment ennuyée.
Si le King voulait écrire un conte pour enfant, d'accord, il a en partie atteint son but, mais c'est quand même un peu trop gentillet et dans ce genre, il a bien mieux réussi dans Le Talisman et sa suite, tous deux écrits en collaboration avec Peter Straub, ou encore dans le recueil Cœur perdu en Atlantide. Ces œuvres dont les héros étaient de très jeunes adolescents étaient vraiment captivantes et fantastiques et on ne pensait pas une seconde à les refermer si on était un amateur du genre. 
Gwendy et la boîte à boutons est une petite histoire qui aurait pu être écrite par une comtesse de Ségur du 21ème siècle. Jamais vous ne tremblerez, jamais vous ne frissonnerez comme dans Ça, et la seule créature fantastique de cette histoire, Monsieur Farris, n'atteint pas le petit orteil du maléfique clown qui a horrifié toute une génération d'ados ou même des différentes abominations rencontrées dans les autres romans ou recueils de l'auteur. 
C'est un fait, on ne tremble pas dans Gwendy et la boîte à boutons.
Et puis, on s'y ennuie copieusement aussi. Il n'arrive presque rien à cette jeune adolescente qu'on accompagne jusqu'à ses 22 ans. On suit avec résignation ses années d'école, ses petites avanies et déceptions et on regrette même que tout se passe si bien pour elle, qu'elle soit si raisonnable avec cette boîte, qu'elle n'ait pratiquement aucune curiosité, ni véritable envie d'exploiter le potentiel maléfique de cet objet. 
On se dit alors "Mais où était Stephen King lors de l'écriture de cette histoire ? Son but était-il  d'attirer Richard Chizmar sur le devant de la scène" ? L'éditeur du King a-t-il voulu lancer un nouvel écrivain de l'horreur et a-t-il obligé Stephen King à le parrainer?" Un but noble sans doute mais qui, à mon humble avis, a desservi le Maître du fantastique et de l'horreur.
D'autre part, en lisant la biographie de Richard Chizmar, j'ai découvert qu'il avait enseigné l'écriture puisqu'il a été professeur d'écriture. Alors, j'ai bien envie de lui dire, à lui qui ne lira jamais ces lignes, que son choix de narration qui consiste en un résumé des péripéties qui surviennent dans la vie de Gwendy, faisant ainsi l'impasse sur le suspense, adoptant ainsi un ton monotone et ennuyeux, n'a jamais été le mode d'écriture de King et pour cause ! On s'ennuie copieusement et le fantastique ne fait pas mouche ! 


Petit morceau choisi :

Gwendy craint sans cesse que la boîte à boutons ne soit découverte ou volée. Cette peur, comme un bruit de fond dans sa tête, ne régit cependant pas sa vie, loin de là. Peut-être est-ce d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Mr. Farris la lui a donnée. Il a bien dit : Tu es l’élue.
Elle travaille bien à l’école, décroche un rôle important dans la pièce de fin d’année en quatrième (rôle dont elle n’oublie pas une seule réplique), et continue à courir. Rien ne vaut la course à pied ; quand l’ivresse du coureur la saisit, même le bruit de fond disparaît. Parfois elle en veut à Mr. Farris de lui avoir imposé cette responsabilité, mais la plupart du temps ce n’est pas le cas. Comme il l’a affirmé, le coffret accorde des dons. Une faible récompense, disait-il, mais qui ne paraît pas si insignifiante à Gwendy : sa mémoire s’est améliorée, elle n’a plus envie de dévorer tout le contenu du frigo, elle a 10 sur 10 aux deux yeux, et il y a encore autre chose. Sa mère la dit très jolie, mais sa copine Olive va plus loin.

etc.
J'ai envie de dire "Mais montrez-nous sa peur ! Montrez-nous comment elle découvre les mutations qui s'opèrent en elle ! Faites-nous vivre à travers Gwendy !"
Et j'aurais ajouté "Et les boutons? Pourquoi sont-ils si peu exploités?" et "Voulez-vous vraiment nous faire croire qu'une adolescente est aussi raisonnable que Mère Thérésa? "

Et je ne parle pas de la fin en queue de poisson que Stephen King n'a pas dû lire.....



jeudi 13 septembre 2018

Snowblind - Christopher Golden

Un bon roman fantastique



Le résumé : 

Vous êtes à Coventry, petite ville américaine et il neige. Beaucoup. Énormément même et la météo annonce que les chutes de neige vont s'intensifier. C'est un blizzard et les habitants sont inquiets sans véritablement pouvoir expliquer leur inquiétude.
Dans son restaurant, Ella Santos regarde la neige s'accumuler et déplore le peu de clients qui ont pris le risque de sortir de chez eux. TJ qui joue de la guitare pour les clients du restaurant observe sa patronne et se prépare à sortir rejoindre sa vieille mère chez qui il doit passer la nuit.
Ailleurs dans la ville, Allie Schapiro a organisé un repas familial qui réunit ses deux fils, Jake et Isaac,  et Miri la fille de son compagnon, Niro. Elle est anxieuse, à la fois à cause de la neige, mais aussi parce qu'elle craint que ses enfants n'adoptent pas Niro et Miri.
Plus loin encore, dans les rues de la ville, Joe Keenan, un bleu de la police de Coventry, fait sa ronde, anxieux lui aussi.
Ailleurs encore, Doug Manning, jeune mécanicien, est de corvée et obligé d'aller chercher le repas de ses camarades du garage alors qu'il aurait préféré rester avec sa jeune épouse Cherri.
Une petite ville et un blizzard particulièrement fort.
Des habitants qui se calfeutrent chez eux angoissés.
Pourtant, malgré les précautions prises par tous les habitants, des gens, des proches qu'ils chérissent, vont disparaître et mourir : la mère de TJ, le fils d'Allie, Isaac, le compagnon d'Allie, Néro, l'épouse de Doug, Cherri. Et bien d'autres.
Douze ans plus tard, la ville a survécu et les habitants ont essayé tant bien que mal de continuer à vivre sans pour autant oublier leurs chers disparus.
Et on annonce un terrible blizzard, bien plus puissant que celui subi il y a douze ans.
Et certains savent que la neige n'est pas la seule responsable de la mort ou de la disparition d'une partie de la population.
Il y a quelque chose qui attend dans le blizzard......


Mon opinion :

Stephen King a dit de ce roman "Ce livre vous glacera les os et le cœur."
Evidemment, j'adore Stephen King mais je suis néanmoins méfiante : il a parfois porté aux nues des œuvres franchement ennuyeuses du point de vue du fantastique et je ne suis plus ses recommandations. Sauf cette fois, et j'ai eu raison !
Snowblind aurait pu être écrit par le Maître King en personne. C'est un excellent roman fantastique qui installe une atmosphère angoissante induite par la tempête de neige et qui ne laisse aucun répit au lecteur.
Comme Stephen King, Christopher Golden peint des personnages attachants et il procède par petites touches, ne révélant que ce qu'il faut pour retenir l'attention du lecteur, pour qu'il s'attache aux personnages et ait envie de connaître leur destin.
Pour l'atmosphère fantastique, il procède de même: on ne découvre que très progressivement ce qui habite ce blizzard. Et on n'est pas déçu ! D'ailleurs, l'idée est originale et Christopher Golden ne tombe pas dans le déjà-vu. Il dévoile très progressivement la nature de ce qui va prendre possession de la petite ville sans tomber dans le spectaculairement gore ou dans la facilité.
Vraiment j'ai beaucoup aimé ce roman et, comme un lecteur du site de la Dame à cheval, je dirai que si vous aimez Stephen King, vous allez adorer Snowblind de Christopher Golden.
Enjoy !



Le mystérieux Mr Kidder - Joyce Carol Oates

Un roman assez troublant


Le résumé :

Katya est une jeune fille de seize ans originaire d'une petite ville défavorisée du Comté de Cumberland dans le New Jersey. Sa famille est pauvre, son père est un joueur qui les a abandonnées et sa mère est une dame assez légère et peu affectueuse avec ses trois filles. Depuis l'âge de treize ans, Katya travaille après les cours et lors des vacances d'été, et c'est ainsi qu'elle a trouvé une place de nounou auprès d'une famille bourgeoise de Bayhead Harbor, une ville balnéaire qui abrite de riches vacanciers. 
Katya s'occupe, très bien d'ailleurs, de deux enfants, Tricia, une petite fille de trois ans et Jerémy, son frère, un adorable poupon. 
Un jour, alors que le trio se promenait le long des vitrines des magasins de luxe, un vieux monsieur  très distingué murmure  à l'oreille de Katya cette phrase magique « Et que choisiriez-vous, s’il vous était accordé un souhait ? ».
Commence alors une relation des plus étranges entre la jeune fille et le vieillard. 

Mon opinion :

Oates est un écrivain très prolifique et généralement encensée par le public et qui a les faveurs de la critique. Je la connaissais à travers certaines de ses œuvres, en particulier ses romans gothiques Bellefleur, Les mystères de Winterthurn etc. que j'avais beaucoup appréciés. Cette dame écrit bien, installe ses personnages de manière efficace et c'est un plaisir de suivre l'histoire d'une famille ou les vicissitudes d'un héros. 
C'est ainsi qu'alléchée par le titre, je me suis lancée dans la lecture des tribulations de Katya et de Marcus Kidder. La première partie de ce roman qui en compte deux est assez agréable et l'on suit avec amusement la progression de l'amitié amoureuse de cette adolescente à la fois très dégourdie et un peu fleur bleue et de ce vieux gentleman amoureux de l'Art et de la Beauté. 
L'écriture très délicate et un peu précieuse d'Oates invite le lecteur à une longue flânerie dans la vie de ce couple atypique. 
On se doute un peu que ce Marcus Kidder est épris de la belle Katya et que cette dernière est flattée de l'attention qu'il lui accorde et cette première partie ressemble un peu à un conte de fées : la jeune fille pauvre et le vieux roi excentrique qui s'accordera peut-être une dernière amourette.
Mais la seconde partie du roman nous entraîne plutôt dans un fait divers sordide. Et ça, j'ai détesté.
Bien sûr, une fois qu'on a goûté à l'écriture délicate de l'auteur, une fois qu'on a fait connaissance avec les personnages très finement décrits, analysés, on veut connaître la fin de l'histoire et on se doute bien que ce dénouement sera à la fois audacieux et étonnant. C'est le cas. 
Mais on n'est pas forcément obligé d'aimer cette galerie de monstres ! 
Tous les personnages de ce roman m'ont semblé monstrueux, détestables. Je n'ai pas réussi à éprouver de la pitié pour la fragilité de Katya, cette adolescente rejetée de tous, ni pour cet adorable vieillard que j'ai trouvé diabolique et dont les véritables intentions, que l'on ne découvre que dans les dernières pages, sont révoltantes et égoïstes. 

Ceci dit, l'écriture ciselée de l'auteur, le décor, les objets qui constituent le quotidien de Marcus Kidder, Katya elle-même, sont de véritables hymnes à la Beauté, à l'Art. Le lecteur baigne dans cette délicieuse beauté des lieux, des mots, dans ce parti pris du luxe, de l'Art et c'est alors qu'il se prend à les haïr ! 
On finit par se dire que si la quête du Beau mène à ce dénouement, on s'en passerait volontiers.