mardi 15 janvier 2019

La Vouivre - Marcel Aymé

Un roman issu d'une bien étrange légende


Résumé des deux premiers chapitres :


Chapitre I :
Où l’on fait connaissance avec Arsène Muselier. Jeune paysan de 23 ans - petit et puissamment charpenté et qui est en train de faucher une prairie à 6 h du matin – non loin d’une forêt et d’un étang – on apprend que les Muselier sont en froid avec leurs voisins et petits cousins, les Mindeur – on découvre la peur qu’Arsène ressent pour les serpents à cause d’un incident alors qu’il avait 5 ans : il a mis la main sur un serpent en cueillant du muguet – justement ce jour-là, il en rencontre un, une vipère, bientôt suivie d’une jeune femme : la Vouivre – légende de la Vouivre rapportée en détail par l’auteur.

Chapitre II 
Arsène rencontre la Vouivre et la suit – il l’aperçoit en train de se baigner et découvre sa robe et son rubis abandonnés sur la rive – il n’est pas tenté par le rubis même s’il se penche vers lui – la découverte des serpents qui le gardent le rebute – il se tourne alors vers la Vouivre qui sort de l’eau et la regarde sans gêne, d’abord – ils engagent la conversation comme un jeune homme et une jeune femme ordinaires, sur le temps, la récolte du foin, les terres – et Arsène continue à la regarder d’autant qu’elle n’éprouve aucune honte à se montrer nue – puis la Vouivre siffle une vipère et les deux jeunes gens se séparent.

Mon opinion :

J'adore les légendes, le merveilleux. Et la Vouivre est une légende de la Franche-Comté qui raconte l'histoire d'une femme très belle qui...Mais je laisse parler l'auteur :

"Vouivre, en patois de Franche-Comté, est l’équivalent du vieux mot français « guivre » qui signifie serpent et qui est resté dans la langue du blason. La Vouivre des campagnes jurassiennes, c’est à proprement parler la fille aux serpents. Elle représente à elle seule toute la mythologie comtoise, si l’on veut bien négliger la bête faramine, monstre certainement très horrifique, mais dont la forme et l’activité sont laissées au caprice de l’imagination. Sur la Vouivre, on possède des références solides, des témoignages clairs, concordants. Dryade et naïade, indifférente aux travaux des hommes, elle parcourt les monts et les plaines du Jura, se baignant aux rivières, aux torrents, aux lacs, aux étangs. Elle porte sur ses cheveux un diadème orné d’un gros rubis, si pur que tout l’or du monde suffirait à peine à en payer le prix. Ce trésor, la Vouivre ne s’en sépare jamais que pendant le temps de ses ablutions. Avant d’entrer dans l’eau, elle ôte son diadème et l’abandonne avec sa robe sur le rivage. C’est l’instant que choisissent les audacieux pour tenter de s’emparer du joyau, mais l’entreprise est presque sûrement vouée à l’échec. À peine le ravisseur a-t-il pris la fuite que des milliers de serpents, surgis de toutes parts, se mettent à ses trousses et la seule chance qu’il ait alors de sauver sa peau est de se défaire du rubis en jetant loin de lui le diadème de la Vouivre. Certains, auxquels le désir d’être riche fait perdre la tête, ne se résignent pas à lâcher leur butin et se laissent dévorer par les serpents."
Alors, s'agit-il d'un roman fantastique?
Je répondrai oui, dans un premier temps, car on est bien dans un univers réel, le nôtre, univers dans lequel fait irruption une créature surnaturelle, mythique, impossible à accepter, normalement, si l'on est quelque peu rationnel.
Mais cette créature appartient aussi au folklore merveilleux de toute une région puisque, comme elle l'expliquera elle-même, elle existait avant que les ancêtres de l'homme songent à se redresser et à prendre leur destin en main.
Ceci dit, fantastique ou merveilleux, peu importe car l'auteur ne mise pas réellement sur l'épouvante que peut susciter chez le lecteur l'apparition de cette créature. D'ailleurs, cette Vouivre nous paraît si naturelle, si proche de n'importe quelle fille un peu jolie de la campagne que l'on est finalement très peu impressionné. Oh ! bien sûr, l'arrivée spectaculaire de cette brassée de serpents pourra en faire frémir certains. Mais sans plus.
Donc l'auteur a d'avantage misé sur ses personnages, sur leurs sombres passions. Il a aussi profité de ce roman pour peindre des paysages magnifiques dans lesquels il doit faire bon se promener. On ressent la forêt, l'eau de manière animale et on ne s'étonne pas plus que le héros de voir surgir cette femme-serpent. Et c'est là que se trouve la force de ce roman : nous faire accepter l'inacceptable comme s'il allait de soi.
Aussi je tiens à préciser que Marcel Aymé n'est ni Lovecraft ni Stephen King. Pour lui, le fantastique ou le merveilleux ne sont que des prétextes. Pourtant, ce roman est magique, et si j'ai aimé ce livre, car je l'ai aimé, c'est surtout pour les images bucoliques de la région, et aussi parce que j'avais très envie de savoir comment cette intrigue allait se dénouer. Comment cette ou plutôt ces histoires d'amour allaient tourner.
Evidemment je ne le révélerai pas. A vous de lire cette histoire.

Ceci dit, il y a une assez bonne adaptation du roman, pour les lecteurs quelque peu paresseux .... https://www.telerama.fr/cinema/films/la-vouivre,14978.php

...et même une bande dessinée de Bernard Clavel et François Bourgeon. 

Un de Baumugnes - Giono

Un si joli roman sur l'amitié, l'amour, la Nature


Le résume des deux premiers chapitres :


Chapitre I : 
Le narrateur qui utilise la première personne « je sentais… » est le Vieux, Amédée de son prénom. Il est un « rouleur », c’est-à-dire un ouvrier agricole qui parcourt les chemins pour trouver du travail. Il se définit lui-même comme un « bohémien », comprenez quelqu’un qui « pour un oui, pour un non, […] lâche tout » pour aller chercher du travail ailleurs.
Ce soir-là, dans un bar de Manosque, il s’assied à côté d’Albin, un gars de la campagne, un gars de Baumugnes, un village de la montagne, mais un gars qui a quelque chose à dire, quelque chose qui le rend triste.
Albin va bientôt lui raconter comment il a rencontré un type de Marseille, un jeune, mauvais et peu recommandable, qui porte un tatouage sur la paume de la main où il est écrit « Merde », qui s’appelle Louis, qui est un mauvais compagnon mais qui chante, fait des blagues, qui parle bien et qui est coquet. Albin a honte de lui mais se laisse entraîner par sa façon d’être. Un soir alors qu’ils sont attablés à une terrasse, ils voient arriver une belle jeune fille. Elle mène un attelage de main de maître : c’est Angèle. Albin tombe amoureux tandis que Louis parle mal de la jeune fille en annonçant clairement son intention de l’avoir et de l’utiliser.

Chapitre II :
Retour d’Amédée et d’Albin à Marigrate où ils travaillent tous deux. Albin continue à se confier au vieil Amédée et lui explique l’histoire de son village : Baumugnes. On découvre, une légende, un mythe : Les habitants, les hommes, auraient eu, il y a longtemps, la langue coupée car ils ne croyaient pas à la religion. Pour communiquer, ils se sont mis à utiliser des harmonicas. C’est ce qui explique que ceux de Baumugnes, depuis cette époque, jouent de l’harmonica. Amédée est très étonné par cette légende et en vient à se demander qui est Albin (un Dieu ?).
Albin raconte ensuite comment Louis et lui ont à nouveau rencontré Angèle qui travaillait seule aux champs, comment ils l’ont vue presque nue, comment Louis l’a appelée et comment Albin a découvert que Louis et elle avaient fait connaissance d’une manière très intime. Louis a forcé Angèle à avoir des relations avec lui, relations qui continuent tous les soirs. Albin découvre aussi que Louis va s’enfuir avec Angèle et qu’il a l’intention de la prostituer.
Malade de chagrin, Albin travaille au soleil sans chapeau et attrape une grave insolation. Il rêve qu’il assiste, impuissant, au départ d’Angèle.



Mon opinion :

Impossible de ne pas adorer Giono tant il a ce don si particulier pour décrire les hommes, mais surtout la Nature, et nous faire pénétrer au cœur de ces paysages qu'il a tant appréciés.
Alors, cette histoire?
Eh bien c'est d'abord et essentiellement une histoire d'amitié entre deux hommes, Amédée et Albin. C'est une amitié qui va porter le roman et déboucher sur son dénouement, c'est une amitié d'hommes qui se respectent et qui sont capables de transcender leur condition humaine.
C'est aussi une histoire d'amour. Entre un homme et une femme, d'abord. C'est une histoire d'amour qui est poétique tant les deux personnages sont purs et attachants et tant la décision que va prendre Albin est digne d'un conte.
C'est aussi une histoire d'amour entre les hommes et la Nature. On sait que Giono est poète car il idéalise toujours la Nature, employant des images issues du cœur des campagnards qu'ils soient paysans (Que ma joie demeure) ou simples rouleurs comme ici Albin et Amédée.
C'est aussi une histoire qui frôle le merveilleux car à travers le personnage d'Albin, on peut reconnaître le dieu Pan, tandis qu'Amédée n'est pas sans faire songer à Hermès, en personne.
En fait, si j'aime les romans de Giono, c'est parce qu'ils sont beaux, purs et profondément humains. Ils sont aussi poétiques et intemporels. C'est pour cette raison que je déplore le fait qu'ils soient de plus en plus les grands oubliés des manuels scolaires.