vendredi 31 mai 2019

Pierre - Fendre - Brice Tarvel

Un très chouette roman de fantasy


Le résumé :

Deux compères, Durlan et Garicorne, quittent Viridis, leur pays natal, le pays du printemps, et s'aventurent dans le Grand Dehors qu'ils ne connaissent pas pour une quête originale et hasardeuse : il s'agit de trouver la mythique Sommeilleuse, aussi nommée la Rêveuse ou la Bâtisseuse et dont la fonction semblait être de rêver le monde dans lequel vivent les hommes. Les deux amis ont en effet pour projet de la réveiller afin de faire tomber les murs du château qui de tous temps a borné l'univers des hommes.
Ce château énigmatique est constitué de différentes salles qui abritent des populations variées et hétéroclites d'individus plus ou moins bizarres et des animaux étranges, un peu hybrides et souvent dangereux.
Deux jeunes filles, Aurjance, la sœur de Durlan et Farille son amie, se lancent à la poursuite des deux hommes afin de les détourner de leur projet insensé, tant elles craignent que les deux hommes ne mettent fin à l'humanité en réveillant la Sommeilleuse qui est peut-être la grande Créatrice des hommes. Elles sont accompagnées d'un oiseau parlant et intelligent, Jazole, qui joue le rôle de protecteur et de boute-en-train.
Un troisième groupe, beaucoup plus inquiétant, se lance à la poursuite des deux compères dans le but de les arrêter par tous les moyens. Ce groupe est constitué de la sorcière Murgoche, de sa servante Clabousse et de quelques bandits de grand chemin ayant pour chef le très peu recommandable Yuk Long Renard. Leur but est aussi de mettre un terme à la quête de Durlan et de son amoureux Garicorne. 
Et tout ce petit monde va cheminer avec plus ou moins de bonheur en traversant d'abord Viridis, la salle du printemps, Chaloir, la salle de l'été, Feuille-sèche, la salle de l'automne pour arriver au but, Pierre-fendre, la salle de l'hiver. Le périple prendra des semaines, voire plus, tant la taille du château est gigantesque et tant les obstacles sont nombreux.
Et à l'arrivée....


Mon opinion :

J'ai adoré. J'ai même tout adoré : l'histoire, les personnages, les créatures, l'absurdité apparente du voyage, le style de l'auteur, le vocabulaire désuet emprunté soit au Moyen-âge soit à nos grands-mères, tout était délicieux. 
Ce château, tout le monde le comprendra, est un monde, un univers qui recèle les dangers les plus étranges et les inventions les plus bizarres. Que ce soit les hommes, les bêtes, les monstres ou même les matériaux, tout est étrange, tout est le produit d'une imagination fantasque et débordante. 

Quelques exemples pour vous mettre l'eau à la bouche 

Ce qui remplace le soleil : 
Le jour n’était pas tout à fait levé. Seule une demi-douzaine d’oiseaux de lumière avaient quitté leur repaire nocturne pour tournoyer mollement au ras de la voûte. Leurs ailes immenses pareilles à des flammes battaient en silence comme elles le feraient jusqu’à ce que revienne la nuit, c’est-à-dire jusqu’au moment où ces singulières créatures regagneraient leur cachette dans une des tours du château. Les héliavis, ainsi qu’on les nommait, remplaçaient ce mystérieux soleil qui éclairait le monde de jadis dépourvu de murailles.
Jazole, l'oiseau parlant d'Aurjance ;
Jazole, l’oiseau pique-pierre parleur et apprivoisé appartenant à Aurjance, se tenait sur son épaule, mais il ne tarda pas à rejoindre celle de sa maîtresse en lançant des « Jazole sait tout, Jazole dit tout ! » qui n’auraient pas manqué de faire sourire en d’autres circonstances.
Ce qui tient lieu de montures :
 « Si j’ai bien compris, c’est deux gonches que je dois vous confier », intervint Nordin qui, tenant une paire de belles bêtes par la bride, commençait à s’impatienter.Il ressemblait quelque peu à ses protégés. Longue chevelure en crinière, corpulence impressionnante, ongles sales évoquant des griffes… Il ne lui manquait que la queue écailleuse. Quoique, allez savoir..... [les bêtes moitié cheval, moitié dragon].
 Ce qui peut vous arriver en cheminant dans ce pays :
« La rocheluche commence toujours par vous solidifier les parties basses. Elle les rend plus cassantes que de la craie et, quand vous pissez, vous ne ressentez rien de plus que le goulot d’une fontaine. Puis le mal s’étend sans laisser beaucoup de répit, il grimpe jusqu’à vous rigidifier tout entier, faisant de vous une statue comme celles abandonnées ici ou là ou plantées en guise d’épouvantails dans les champs. Avez-vous envie d’avoir la bistouquette métamorphosée en un plantoir qui ne vous procurera plus aucun plaisir et qui se brisera à la moindre maladresse ? »
 Quelques "créatures" hantant le château :
Empaquetés en permanence dans leurs armures rougeâtres, les Acérains amenaient en effet à l’esprit des images de crustacés d’une taille ahurissante. Les billes noires qu’on distinguait dans la fente de leurs heaumes renforçaient cette impression et, bien qu’ils fussent dotés de quatre membres, on s’interrogeait sur leur véritable nature. Étaient-ils humains ? N’appartenaient-ils pas à ces monstres qui hantaient les sombres hauteurs mystérieuses du château ? Telles les petites bestioles que l’on pêchait dans les ruisseaux pour les faire cuire au court-bouillon, on les imaginait sortis d’une inquiétante citerne d’eau fuligineuse, d’un bassin situé sur quelque chemin de ronde inaccessible.

 « Des chauves-souris ! s’écria Dulvan en levant les bras pour se protéger.
— Tu veux dire des vampires, corrigea Garicorne. Et ils sont gros comme des cochons ! »
La comparaison n’était pas si exagérée. Ces chiroptères possédaient des ailes membraneuses d’une envergure exceptionnelle et elles soutenaient un corps à l’abdomen blafard et rebondi strié de vaisseaux gonflés de sang. Quant à leurs têtes, si elles étaient affublées d’un museau écrasé s’apparentant quelque peu à un groin, celui-ci laissait dépasser deux redoutables canines de la longueur d’une phalange. Le plus surprenant, c’était toutefois leur couleur. Ils étaient roses et pelucheux, avec des yeux ardents au pouvoir quasi hypnotique.

 Le fantôme d’une fillette n’aurait pas dû être très inquiétant. [...] L’enfant n’avait pas plus de consistance qu’une buée déposée sur un miroir, on voyait à travers son semblant de corps et de chemise de nuit, vêtement opalescent descendant jusqu’à ses pieds nus. Ceux-ci effleuraient à peine le plancher mais, visiblement mouillés, ils répandaient une flaque d’eau allant s’élargissant. Ses longs cheveux pareils à un emmêlement de fumée rabattue par un souffle encadraient son étroit visage livide et tombaient jusqu’à sa maigre poitrine que n’animait aucune respiration. Ses yeux qui ne cillaient pas, privés d’iris, ne laissaient voir que la blancheur hallucinante de leurs sclérotiques.

 Vêtu d’un sarrau crasseux, il arborait une tignasse et une barbe grises aussi peu entretenues mais, ce qui frappait surtout, c’était son absence de jambes. Non pas qu’il fût cul-de-jatte, cela n’aurait pas été si extraordinaire. En guise de membres inférieurs identiques à ceux de tout un chacun, il possédait deux bras supplémentaires dont il se servait avec la même dextérité que ceux accrochés à ses épaules.

Et bien d'autres créatures, inventions plus délirantes les unes que les autres, comme cette pluie noire, par exemple.
En fait c'est un univers qui m'a beaucoup fait penser au célèbre roman de Brian Aldiss, Croisière sans escale, puisqu'on retrouve un peu les mêmes thèmes : un voyage périlleux dans un univers dangereux et un dénouement étonnant.

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